
La maladie de Crohn est bien connue pour ses symptômes digestifs, mais elle peut aussi se manifester en dehors de l’intestin. Parmi ces atteintes dites extra-digestives, les troubles oculaires occupent une place particulière.
Rougeur, vision floue, sensibilité à la lumière… autant de signes qui peuvent révéler une inflammation de l’œil liée à la maladie.
Souvent méconnues, ces complications nécessitent une prise en charge rapide et coordonnée entre le gastro-entérologue et l’ophtalmologue.
Qu’est-ce qu’une manifestation oculaire liée à la maladie de Crohn ?
Définition et fréquence des atteintes oculaires
Les atteintes oculaires dans la maladie de Crohn font partie des manifestations extra-digestives : elles apparaissent en dehors de l’intestin, mais résultent du même mécanisme inflammatoire.
Elles peuvent toucher différentes zones de l’œil — conjonctive, épisclère, sclérotique ou uvée — et provoquer une inflammation douloureuse souvent visible par une rougeur persistante.
Bien que relativement rares, ces complications concernent une minorité de patients et peuvent apparaître à tout moment du parcours de la maladie, parfois même avant les premiers signes digestifs.
Les formes de Crohn avec atteinte colique semblent légèrement plus à risque de développer ce type de troubles.
Mécanismes : inflammation et réactions auto-immunes
Les atteintes oculaires de la maladie de Crohn résultent d’un déséquilibre du système immunitaire.
Lorsque l’inflammation devient chronique, le corps peut attaquer par erreur ses propres tissus, notamment ceux de l’œil.
Cette inflammation croisée provoque alors des douleurs, des rougeurs et parfois des troubles visuels.
L’inflammation intestinale peut aussi diffuser dans l’organisme, entraînant des poussées oculaires lors des phases actives de la maladie.
Chez certaines personnes, une prédisposition génétique ou immunitaire rend l’œil plus vulnérable, expliquant pourquoi il devient une cible secondaire de cette maladie systémique.
Ce déséquilibre inflammatoire peut également s’exprimer par d’autres symptômes extra-digestifs, comme des douleurs articulaires ou des maux de tête persistants pouvant évoluer vers une migraine chronique. Cette association souligne le caractère global de la maladie de Crohn, qui peut affecter divers organes au-delà du tube digestif.
Les principales atteintes oculaires associées à la maladie de Crohn
L’épisclérite : la plus fréquente des complications oculaires
Plus rares, ces atteintes concernent la cornée, la surface transparente de l’œil. Elles se traduisent par une vision floue, une sensation de sable ou une gêne à la lumière.
Elles surviennent souvent lors de poussées inflammatoires importantes et nécessitent un suivi ophtalmologique rapproché pour éviter toute altération de la vision.
La sclérite : une forme plus douloureuse et profonde
Certains patients atteints de Crohn présentent une sécheresse oculaire chronique ou des conjonctivites récidivantes.
Ces symptômes peuvent être liés à l’inflammation, mais aussi aux traitements prolongés (notamment les corticoïdes).
Des larmes artificielles et un suivi régulier permettent souvent d’en limiter l’impact.
L’uvéite ou iritis : une urgence à ne pas négliger
L’uvéite correspond à une inflammation interne de l’œil, souvent douloureuse et accompagnée de rougeur, vision trouble et forte sensibilité à la lumière.
Plus grave que l’épisclérite, elle peut entraîner une baisse durable de la vision si elle n’est pas traitée rapidement.
Une consultation en urgence est indispensable pour limiter les risques de complications. Le traitement repose sur des anti-inflammatoires locaux et systémiques, associés au contrôle de la maladie de Crohn.

Autres symptômes oculaires possibles
Kératopathie et atteintes cornéennes
Quand la cornée est touchée, on parle de kératopathie : la surface de l’œil perd de sa transparence, provoquant une vision floue, une gêne à la lumière voire une sensation de sable dans l’œil.
Ces atteintes peuvent accompagner des poussées inflammatoires plus intenses. Un suivi ophtalmologique est essentiel pour prévenir les lésions permanentes de la cornée.
Sécheresse oculaire, conjonctivite ou effets secondaires des traitements
La sécheresse oculaire (kératoconjonctivite sèche) survient lorsqu’il y a un déficit en larmes ou une évaporation trop rapide du film lacrymal. Cela provoque des irritations, démangeaisons, brûlures et parfois une vision fluctuante.
La conjonctivite, inflammation de la muqueuse de l’œil, peut apparaître en parallèle.
Enfin, certains médicaments utilisés dans la maladie de Crohn — notamment ceux modifiant le système immunitaire — peuvent aggraver la sécheresse ou provoquer des interactions oculaires.
L’utilisation de larmes artificielles, des adaptations de traitement et un suivi ophtalmologique régulier permettent souvent de limiter ces désagréments.
Comment reconnaître les symptômes aux yeux dans la maladie de Crohn ?
Signes d’alerte : rougeur, douleur, vision floue, photophobie
Plusieurs symptômes doivent alerter le patient atteint de Crohn :
- Rougeur persistante d’un œil ou d’un segment de l’œil — souvent localisée.
- Douleur oculaire, particulièrement à la lumière ou avec les mouvements des yeux.
- Vision floue, brouillée, parfois une perte de netteté soudaine.
- Photophobie, c’est-à-dire une sensibilité accrue à la lumière forte.
La présence d’un ou plusieurs de ces signes, surtout s’ils surviennent soudainement, peut indiquer une inflammation oculaire grave et nécessite une attention immédiate.
Quand consulter un ophtalmologue ?
Dès qu’un ou plusieurs signes d’alerte apparaissent (rougeur, douleur, baisse de vision, photophobie), il faut consulter sans attendre un ophtalmologue.
L’examen doit être rapide, afin d’écarter une uvéite, une sclérite ou d’autres atteintes potentiellement dommageables.
Dans certaines régions, comme en Guadeloupe, le médecin généraliste joue un rôle essentiel de premier recours. Un Généraliste en Guadeloupe peut orienter rapidement le patient vers un ophtalmologue ou un gastro-entérologue spécialisé dans la maladie de Crohn.
Diagnostic et prise en charge des troubles oculaires
Examens et collaboration entre gastro-entérologue et ophtalmologue
Quand un patient atteint de Crohn présente des symptômes oculaires, une évaluation conjointe est primordiale. L’ophtalmologue réalise un examen complet (lampe à fente, mesure de la pression intraoculaire, fond d’œil, éventuellement imagerie) pour identifier précisément la nature et l’étendue de l’atteinte. Parallèlement, le gastro-entérologue évalue l’état intestinal (activité de la maladie, traitement en cours, poussées) afin de définir une prise en charge globale. Cette collaboration interdisciplinaire permet d’ajuster les traitements anti-inflammatoires ou immunomodulateurs de manière cohérente entre les deux spécialités.
Traitements locaux et systémiques selon la cause
Le traitement dépend de la localisation et de la gravité de l’inflammation. À un stade limité, on privilégie des thérapies locales : collyres anti-inflammatoires (corticoïdes ou non), collyres mydriatiques, lubrifiants. Si l’atteinte est plus sévère ou profonde (sclérite, uvéite), un traitement systémique s’impose : corticoïdes oraux ou injectables, immunosuppresseurs, voire biothérapies selon le profil du patient. Le choix doit tenir compte de la maladie intestinale sous-jacente, pour éviter les conflits thérapeutiques, et être adapté en concertation entre les spécialistes.

Prévenir les complications oculaires dans la maladie de Crohn
Suivi régulier et détection précoce
Un contrôle oculaire systématique est essentiel pour les patients atteints de Crohn, même en l’absence de symptômes évidents. Une surveillance régulière permet d’identifier des inflammations débutantes avant qu’elles ne deviennent graves.
Détecter tôt une rougeur persistante ou un léger trouble visuel peut éviter des lésions irréversibles et orienter les soins vers des interventions moins agressives.
De manière plus large, la prévention et le suivi global des patients atteints de maladies inflammatoires chroniques comme la maladie de Crohn sont essentiels, car ces mécanismes peuvent aussi jouer un rôle dans d’autres affections systémiques, telles que la parodontite ou certains types de cancer d’où l’intérêt d’étudier le lien entre parodontite et cancer dans le cadre de l’inflammation chronique.
Importance de la coordination médicale et du suivi global du patient
Pour bien gérer les manifestations oculaires, la coordination entre gastro-entérologue et ophtalmologue est capitale. Le suivi global du patient doit prendre en compte l’activité intestinale, les traitements immunosuppresseurs et les risques oculaires. Une approche intégrée garantit que chaque décision — qu’elle concerne le tube digestif ou l’œil — s’inscrit dans une stratégie cohérente et personnalisée.